Liberté de la presse : “Cash Investigation” gagne son procès contre l’Azerbaïdjan

Mardi 7 novembre, le TGI de Nanterre a jugé irrecevable la plainte en diffamation déposée par l’Azerbaïdjan contre deux journalistes de “Cash Investigation”, qui avaient qualifié en 2015 le régime de “dictature”. 

Par Emilie Gavoille

Publié le 07 novembre 2017 à 19h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h39

Un Etat étranger est-il fondé à saisir les tribunaux français pour se faire justice lui-même ? La réponse est non. C’est en tout cas ce qu’a décidé, mardi 7 novembre en début d’après-midi, le TGI de Nanterre, en jugeant irrecevable la plainte en diffamation déposée par l’Azerbaïdjan à l’encontre des journalistes de Cash Investigation Elise Lucet et Laurent Richard.

« Une très bonne décision » a salué Virginie Marquet. L’avocate des deux reporters du magazine se satisfait notamment que le tribunal ait retenu, suivant les réquisitions du procureur, l’irrecevabilité de la plainte – même si l’Azerbaïdjan a, par la voix de son conseil Maître Pardo, annoncé sa volonté de faire appel du jugement. « La position de la Présidente a été très claire, commente Maître Marquet. Il n’est pas possible pour un Etat, que ce soit l’Etat français ou un Etat étranger, de se saisir de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour attaquer en diffamation des journalistes qui ne font que leur travail, en vue d’étendre une forme de censure politique ».

A l’origine du courroux de Bakou, l’utilisation d’un mot : « dictature », employé par les journalistes pour qualifier le régime caucasien dans le cadre de la diffusion et de la promotion, en septembre 2015 sur France 2, de Mon président est en voyage d’affaires, une enquête sur la diplomatie économique menée par la France dans plusieurs pays, dont l’Azerbaïdjan. Le reportage – dont le contenu n’était pas visé par la plainte – dévoilait notamment les intérêts industriels de plusieurs grands groupes français en Azerbaïdjan, tout en posant (témoignages de militants et de journalistes à l’appui) la question du respect des droits de l’homme par le régime d’Ilham Aliyev. Lequel figure, en 2017, à la 162e place (sur 180) au classement annuel de Reporters sans Frontières sur le respect de la liberté de la presse dans le monde.

Lors du procès, tenu le 5 septembre 2017, les échanges avaient gravité autour de deux questions : quels critères qualifient une dictature ? Et la République d’Azerbaïdjan répond-elle à cette définition ? Pour étayer la plainte, Maître Pardo avait convié à la barre universitaires et élus français – notamment l’ex-parlementaire Jean-François Mancel –  liés par des intérêts avec l’Etat azéri. Côté défense, plusieurs journalistes indépendants et militants des droits de l’homme avaient quant à eux témoigné, de manière aussi glaçante que circonstanciée, du sort réservé, en Azerbaïdjan, aux voix dissonantes à celle du régime.

 

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