« INDIGNES », « IL FAUT AGIR »… Les minuscules d’imprimerie n’étaient pas de taille pour ce sujet capital, « ultra important », qui réveillait une souffrance et un combat personnels de près d’un demi-siècle. Parsemé de points d’exclamation, le message d’Anne Tonglet, qu’elle avait écrit en réponse – favorable – à notre demande d’entretien, faisait par endroits des bonds. Comme de brèves sautes d’humeur, les caractères redressaient alors la tête pour se hisser à hauteur du sien, majuscule.
Rendez-vous avait été fixé à la gare de Bruxelles-Midi, une fin de matinée de janvier. On s’attable dans une brasserie. Anne Tonglet est une femme élégante. Elle ôte son chapeau de couleur vive, garde ses écharpes assorties et son long manteau, sur lequel sont accrochées quelques-unes de ses colères, son « essence », nullement estompées à 68 ans : deux badges – « Je soutiens la grève contre les loyers abusifs », « Stop au sexisme » – et un ruban blanc « contre les violences conjugales ». « Ce sont mes médailles, mes Légions d’honneur », dit-elle.
Du dossier d’archives qu’elle a apporté, la première page qu’Anne Tonglet extrait est la « une » du Monde. La manchette de l’édition datée 26-27 novembre 2017, qui claque sur cinq colonnes : « Violences sexuelles. L’onde de choc mondiale ». Un large sourire éclaire soudainement son visage.
« Quelle chance que cette déferlante, cette prise de conscience, cette révolte de toutes ces femmes harcelées, violées, battues, dénigrées ! », s’exclame cette militante féministe de tous les combats, qui s’était longtemps désespérée en observant les femmes « croire que tout était acquis », et les journalistes hommes se désintéresser de « problèmes qui étaient occultés ». « Je me suis toujours impliquée dans les luttes. Non pas par vengeance, mais comme une revanche », poursuit-elle.
« Que d’années passées à lutter »
Le sourire s’efface quand elle nous montre, plus rapidement, des dizaines de coupures de presse jaunies, datant des années 1970. Soigneusement découpées et conservées, elles proviennent de titres régionaux, nationaux et internationaux.
Sur une photo prise début mai 1978, elle apparaît avec celle qui était alors encore sa compagne, Araceli Castellano. Entre les deux jeunes femmes, une avocate et non des moindres, Me Gisèle Halimi. Le cliché a été pris dans l’enceinte du palais de justice d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). A l’abri des cris et de la fureur alentour.
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