Près de 1 500 migrants ont été "mis à l'abri" et orientés vers des centres d’accueil de la région parisienne. Crédit : InfoMigrants
Près de 1 500 migrants ont été "mis à l'abri" et orientés vers des centres d’accueil de la région parisienne. Crédit : InfoMigrants

Le campement de migrants porte d’Aubervilliers, dans le nord de Paris, a été démantelé mardi 28 janvier au petit matin. Près de 1 500 migrants ont été pris en charge et orientés vers des centres d’hébergement d’Ile-de-France. Mais la plupart d’entre eux ont déjà connu ce genre d’opération et pensent être de nouveau à la rue dans les jours qui viennent. Reportage.

Le jour n’est pas encore levé mais la porte d’Aubervilliers est déjà en ébullition. Il est 5h30 ce mardi matin et les rues de ce quartier du nord de Paris grouillent de policiers, de représentants de la préfecture de police, de militants associatifs, de simples citoyens et de journalistes.

Le campement de migrants situé à proximité du périphérique et qui abrite environ 1 600 personnes connait ce matin d’hiver une énième évacuation, qui va durer plus de trois heures. "La soixantième du genre depuis 2015", signale à InfoMigrants Corinne Torre de Médecins sans frontières (MSF), présente lors du démantèlement.

Les migrants seront orientés vers une quinzaine de sites – des centres d’accueil ou des gymnases – de la région parisienne où ils resteront plusieurs jours avant d’être réorientés vers des centres, selon leur situation administrative.

Selon la préfecture d’Ile-de-France, 1 436 personnes ont été prises en charge lors de cette "mise à l’abri" et orientées vers des centres d’accueil ou des gymnases de la région. Ce chiffre représente 249 migrants en famille dont 93 enfants, et 1 187 hommes seuls.

"Ils vont me mettre dehors car ils n’auront aucune solution pour moi"

Les familles et les hommes seuls ont été séparés afin de faciliter l’évacuation. 

Du côté des familles rassemblées vers le square Anaïs Nin, les enfants, emmitouflés dans des couvertures, peinent à ouvrir les yeux. Les mères, épuisées, portent les plus petits à bout de bras. Le vent glacial vient fouetter leurs visages.

Prs de 250 migrants en famille dont 93 enfants ont t pris en charge mardi 28 janvier Crdit  InfoMigrantsFatima, proche de la quarantaine, attend avec ses deux enfants de trois et six ans de monter dans un des 40 bus affrétés pour l’occasion. L’air épuisé, la Soudanaise n’espère rien de cette opération. "C’est la troisième fois que je fais partie d’une évacuation de ce genre mais les conditions de vie dans ces centres ne sont pas bonnes, surtout pour les enfants, alors je finis toujours par me retrouver à la rue", explique cette femme qui vit en France depuis deux ans et qui attend depuis plusieurs mois la réponse à sa demande d’asile.

Du côté des hommes seuls aussi, l’espoir n’est pas de mise. Alignés les uns derrière les autres le long de l’avenue de la porte d’Aubervilliers en attendant de monter dans les bus, la plupart des hommes savent qu’ils ne resteront que quelques jours dans les centres, le temps de se reposer, faute de solutions adéquates.

Prs de 1 200 hommes seuls ont t mis  labri mardi 28 janvier Crdit  InfoMigrantsAbdo, résigné, dit avoir l’habitude. Le Soudanais de 38 ans vit dans les rues parisiennes depuis son arrivée en France, il y a deux ans, et a connu plusieurs démantèlements malgré l’obtention de son statut de réfugié il y a un an. "C’est toujours pareil. On va m’envoyer dans un centre mais quand je vais leur dire que je suis réfugié statutaire, ils vont me mettre dehors car ils n’auront aucune solution pour moi", explique-t-il, las.

À ses côtés, plusieurs personnes acquiescent. "Ce n’est pas le seul dans cette situation, ils sont beaucoup à être réfugiés et sans logement", disent, dépités, ses camarades d’infortune, qui sont eux dublinés. 

Le camp, qui comptait environ 1 600 personnes, a été démantelé mardi 28 janvier. Crédit : InfoMigrantsLa plupart des personnes qui vivaient dans ce campement sont des dublinés, certains sont réfugiés, d’autres demandeurs d’asile et quelques-uns seulement sont des primo-arrivants.

Surveillance policière renforcée

"Je sais ce qu’il va se passer, nous allons être transférés dans des gymnases de la région, nous y resteront quelques jours puis nous retournerons à la rue", soupire Adam, un autre Soudanais.

Présentes en nombre, les associations d’aide aux migrants ne se font pas non plus d’illusion. "À quoi cela sert de procéder à des évacuations s’il n’y a pas de centres d’hébergement pérennes ?", s’interroge Corinne Torre de MSF. "Ils vont retourner à la rue, comme toujours", continue-t-elle.

Mais le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a été clair et assure qu’aucune reformation de campements ne sera tolérée dans la capitale. "On va mettre en place le même dispositif de surveillance policière qu’à la porte de Chapelle afin d’éviter toute réinstallation", a-t-il déclaré lors d’un point presse. "On applique les principes cités par le Président de la République, à savoir humanité et fermeté".

>> À (re)lire sur InfoMigrants : Après le démantèlement, le nouveau visage "calme" et ultra-sécurisé de la Porte de la Chapelle

Présente sur les lieux, la maire de Paris, Anne Hidalgo s’est réjouie pour sa part de cette opération de mise à l’abri rappelant qu’elle en avait fait la demande à la préfecture depuis des mois et des mois.

Reste que selon les associations, cette politique d’évacuation et de renforcement de la présence policière risque d'avoir des effets néfastes sur les migrants. Ils vont être contraints de se replier dans de petits campements éparts et seront donc encore plus précaires, assure Corinne Torre. Elle redoute notamment un difficile accès aux soins et le "risque de voir davantage de morts".

 

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