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Les seins nus des Femen sont bien de l’exhibition sexuelle, juge la Cour de cassation

La plus haute juridiction a toutefois relaxé la militante qui avait exhibé sa poitrine au musée Grévin de Paris, en juin 2014, reconnaissant une « démarche de protestation politique ».

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Publié le 26 février 2020 à 19h22, modifié le 27 février 2020 à 08h53

Temps de Lecture 3 min.

Il est des victoires judiciaires qui laissent un goût amer. La Cour de cassation a rejeté, mercredi 26 février, le pourvoi du parquet général de la cour d’appel contre la relaxe de Iana Zhdanova. Pourtant, Marie Dosé, l’avocate de cette militante Femen qui avait exhibé sa poitrine au musée Grévin de Paris, le 5 juin 2014, y voit une « décision frustrante, une belle occasion ratée de faire évoluer une jurisprudence d’un autre temps ».

La question posée à la juridiction judiciaire suprême portait notamment sur le fait de savoir si montrer sa poitrine pour une femme est constitutif d’une exhibition sexuelle, délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende selon l’article 222-32 du code pénal. La chambre criminelle de la Cour de cassation répond clairement oui.

Dans cet arrêt, elle balaie même sèchement le raisonnement que la cour d’appel de Paris avait retenu en décembre 2018 pour prononcer la relaxe. « C’est à tort que la cour d’appel a énoncé que la seule exhibition de la poitrine d’une femme n’entre pas dans (…) le délit prévu à l’article 222-32 du code pénal, si l’intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle. » Les juges du second degré avaient en effet estimé que le délit d’exhibition sexuelle n’est pas constitué « si l’intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle, ne vise pas à offenser la pudeur d’autrui, mais relève de la manifestation d’une opinion politique, protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

En l’occurrence, la jeune femme ukrainienne avait écrit « Kill Putin » sur ses seins et s’en était pris à la statue en cire de Vladimir Poutine avec un piquet couvert de peinture rouge. Le cas de cette Femen a fait s’arracher les cheveux à plusieurs juges depuis six ans.

La militante des Femen Iana Zhdanova, le 5 juin 2014 au musée Grévin de Paris.

Elle a été condamnée pour dégradation mais avait contesté en appel, avec succès, tout caractère sexuel à cette manifestation « de nature politique » contre le régime russe. Une première décision de relaxe en appel a été annulée par la Cour de cassation en janvier 2018. Elle avait estimé que l’exhibition sexuelle était caractérisée, car Mme Zhdanova avait « exhibé volontairement sa poitrine dans un musée, lieu ouvert au public ». La seconde relaxe de la cour de Paris de décembre 2018, en ne se conformant pas à l’arrêt de la haute cour, était donc la manifestation d’un désaccord profond, et relativement rare après une première cassation, sur l’interprétation de la loi. Ce qui a motivé le nouveau pourvoi formé par le parquet général de Paris.

« Démarche de protestation politique »

Cette fois, si la Cour de cassation réaffirme haut et fort sa jurisprudence sur les poitrines dénudées, elle refuse de censurer la relaxe et rejette le pourvoi. Pour arriver à cette conclusion, la chambre criminelle s’est appuyée sur le principe du contrôle de proportionnalité prôné par la Cour européenne des droits de l’homme… que la défense de la militante Femen avait l’intention de saisir en cas d’échec.

Ainsi, écrivent les derniers juges, incriminer cette femme (aujourd’hui âgée de 31 ans) d’exhibition sexuelle « serait une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ». Il s’agissait de faire la balance entre la protection de la morale et du droit d’autrui et celle de la liberté d’expression. Car, reconnaît l’arrêt, « le comportement de la prévenue s’inscrit dans une démarche de protestation politique ».

Le point final de cette saga judiciaire est donc la confirmation de la relaxe… mais pas pour la raison souhaitée par la défense. Alors que les mœurs ont évolué et que les poitrines nues peuvent se montrer dans des publicités, des magazines ou à la télévision, MDosé estime que « l’intention de la personne devrait être un élément qui caractérise l’infraction d’exhibition sexuelle ». Selon elle, c’est donc la loi qui est mal faite et anachronique, « c’est au législateur de la changer ».

L’avocate observe d’ailleurs qu’il serait malvenu d’attaquer pour « exhibition sexuelle » les femmes qui participent à des campagnes de dépistage du cancer du sein en posant pour des affiches de prévention du ministère de la santé.

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