Fascination-Frida : Deux nouvelles biographies de Frida Kahlo (1907-1954)

"Je suis ma propre muse" © Christine Marcandier

Deux ouvrages récents sont consacrés à la grande peintre mexicaine. Ils viennent enrichir la bibliothèque qui lui est consacrée. Avant de les présenter, mettons en exergue une de ses peintures de 1932 : en ces années Trump de construction d’un mur entre le Mexique et les États-Unis, c’est celui qui a pour titre, « Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les États-Unis » qu’Ariadna Castellarnau analyse dans sa biographie. La peintre rendait visible le fossé entre deux mondes.

Ce tableau, écrit-elle, est  considéré comme une des œuvres majeures de Frida Kahlo : « Tandis que Diego se consacre à la préparation de son imposante rétrospective (commande de la Ford Motor Company), Frida mûrit un projet plus modeste et personnel, mais aussi plus incisif et peut-être plus éloquent […] elle se représente vêtue d’une élégante robe de soirée rose, suspendue entre deux mondes : le Mexique et Gringolandia [c’est ainsi que Frida nommait les États-Unis]. Du côté mexicain, sous le soleil et la lune, un majestueux temple précolombien menace de ruine ; du côté américain, se dressent les cheminées des usines crachant leur fumée et des gratte-ciel sans fenêtres, véritables grains de beauté aveugles. Le nom de Ford est inscrit sur les cheminées. Ce détail n’est pas innocent. Tenue en marge de l’organisation des prestigieuses festivités new-yorkaises, Frida développe une vision beaucoup plus critique de la beauté industrielle, vantée par Diego. Elle transpose clairement dans son tableau sa perception des dangers du machinisme florissant de ce début de siècle. La technologie et l’industrie sont peut-être fascinantes, mais elles ne doivent pas occulter les dérives du progrès, au nom duquel et de la prétendue civilisation, on anéantit les cultures non européennes, autochtones, « barbares ». Claire Berest le commente aussi dans son roman, en prêtant son interprétation à Cristina, la sœur de Frida : « Frida représentée au centre des mondes a semblé une vedette pour Cristina, une apparition fabuleuse. Sur le socle statutaire est écrit : Carmen Rivera. Cristina a demandé pourquoi ce nom. – c’est ce que je suis là-bas, Cristi, une invention de colosse, la femme de Diego Rivera ».

La biographie de Frida Kahlo d’Ariadna Castellarnau est la septième de la collection du Monde « Femmes d’exception ». Elle propose de suivre les traces de cette « vie tumultueuse » (1907-1954). La photo de couverture n’est pas courante ; aussi, sollicite-t-elle la curiosité du lecteur pour entrer dans l’ouvrage. La biographe raconte les péripéties de cette vie en suivant l’ordre chronologique. Le récit se lit bien et, de plus, il est disponible dans tous les points de presse, à un prix très abordable. Il est rythmé par des photographies plus que par la reproduction de tableaux : photographies de la famille, de Diego, d’ami.e.s, amants, amantes côtoyés ; par des citations empruntées à Diego, à des correspondances, au journal de Frida ou à des entretiens donnés. Ariadna Castellarnau trouve, nous semble-t-il, le ton juste pour équilibrer récit de vie et insertion d’analyses de l’œuvre picturale, tant les deux sont liés. Dépassant le caractère thérapeutique prêté à sa création, elle en pointe le centre créateur : « Frida est avant tout une artiste, elle n’est pas une pleureuse vouée à la sensiblerie qui peindrait ses souffrances pour les écarter ou se consoler, comme elle ferait du crochet ou écrirait un journal intime. On l’oublie parfois et on a tendance à accentuer le côté exhibitionniste et sentimentaliste de ses tableaux, cédant ainsi à un discours dominant qui associe la féminité à l’amateurisme et à des caractéristiques « ornementales », « sensibles » ou « égotistes », autant de qualités jugées mineures par rapport à « l’art supérieur », forcément masculin ».

Il y a chez cette artiste une adéquation entre sa vie, ses convictions et son art. Elle n’a ni la langue ni la plume dans sa poche et porte des jugements sans concession sur les Américains qu’elle côtoie comme elle ne ménagera pas les Français du groupe surréaliste à Paris, en 1939. Ainsi lorsqu’elle s’installe à Manhattan en 1931, elle écrit dans une lettre à son médecin : « La high society d’ici me tape sur les nerfs et j’éprouve pas mal de colère contre tous les richards du coin, car j’ai vu des milliers de gens dans une misère noire, sans rien à manger et sans un toit pour dormir, c’est ce qui m’a le plus impressionnée ici. Il est épouvantable de voir les riches passer leurs jours et leurs nuits dans des parties, pendant que des milliers et des milliers de gens meurent de faim ».

Quelques années plus tard, Diego célébrera l’originalité de sa peinture lui qui l’a toujours encouragée à peindre et à se faire connaître : « Elle a commencé à travailler à une série de chefs-d’œuvre sans précédent dans l’histoire de l’art – des peintures qui exaltaient les qualités féminines d’endurance face à la vérité, la réalité, la cruauté et la souffrance. Jamais auparavant une femme n’avait transposé une telle souffrance poétique sur le toile comme Frida l’a fait à ce moment-là, à Détroit ».

Ce n’est qu’assez tardivement, en 1938, qu’elle expose quelques œuvres dans une exposition collective à Mexico puis dans une exposition personnelle à New-York. L’année suivante, c’est sa seconde exposition personnelle à Paris en 1939. André Breton qui a voulu la faire venir n’a rien préparé pour l’exposition ; de plus, Frida souffre de ces multiples maux physiques et elle est horrifiée par la victoire de Franco et le sort que la France réserve aux Républicains espagnols. Elle écrit à Diego : « Les camps de concentration en France sont quelque chose de révoltant, de penser que ces putains de pays soi-disant démocratiques peuvent être si cruels avec ces pauvres gens qui sont parvenus à échapper à ce maudit Franco pour tomber entre les mains de ces bandits ». Elle va alors multiplier les démarches pour que le Mexique accorde l’asile à quatre cents républicains.

 Cette nouvelle biographie redonne avec clarté et sensibilité la marche de cette vie hors normes et elle est une introduction à une œuvre picturale dont la fascination qu’elle exerce ne se dément pas. L’autre ouvrage, publié au dernier trimestre de 2019 est la fiction biographique de Claire Berest, Rien n’est noir, chez Stock. Consacrant en 2017, une biographie à leur arrière-grand-mère, Gabrièle Buffet-Picabia, Gabriële, Anne et Claire Berest avaient eu à cœur  de remettre à l’honneur son rôle dans l’histoire de l’art. Frida Kahlo et sa personnalité hors normes ne pouvait pas ne pas les retenir. On trouve ainsi, en 2013, une leçon de coiffure à la Frida proposée par Anne Berest sur le net…

Mais le roman, sous la signature de Claire Berest, prend à bras-le-corps la biographie de la peintre mexicaine pour en donner une interprétation personnelle dont la peinture de couverture est une annonce explicite de l’axe d’éclairage dominant choisi. Elle a raconté dans ses entretiens comment elle avait sollicité David Simonetta pour cette peinture, en lui envoyant une photo du couple et l’interprétation picturale qu’il en a faite et qui donne sa visibilité de passion amoureuse et de couleurs contrastées au couple Diego-Frida.

C’est une véritable gageure de proposer une nouvelle fiction biographique sur Frida Kahlo. En effet, on dispose à l’heure actuelle d’un nombre impressionnant d’ouvrages la concernant ou concernant le couple de ces deux peintres mexicains : comment aborder la matière d’une manière renouvelée pour accrocher l’intérêt du lecteur ? On notera d’emblée que Diego est relégué à la lisière de la fiction, sans en être absent – comment cela pourrait-il être quand on évoque Frida…– et que toute la scénographie fictionnelle est consacrée à Frida.

Le roman se divise en quatre parties sous la bannière de lieux, de dates et d’une couleur.
I – Mexico, 1928  Bleu (7 sous-chapitres)
II – États-Unis, 1930-1932  Rouge (13 sous-chapitres)
III – Mexico, New York, Paris – 1933-1940   Jaune (16 sous-chapitres)
IV – Mexico, 1954  (en noir et gris – 3 sous-chapitres)

Les choix biographiques sont clairs et orientent la lecture. Car ce genre de fiction sur un personnage connu induit un type de lecture particulier : on n’y entre pas ignorante mais riche déjà de tout ce qu’on a lu sur Frida. On cherche à reconnaître, à faire coïncider avec la narration qu’on s’est construite… On repère ce que l’on ressent comme écarts, interprétations abusives ou éclairantes. C’est donc une gymnastique très particulière à laquelle nous sommes conviés. On est d’accord ou non, on aime ou on déteste… on a nécessairement une lecture active et participante.

Comme la peinture de couverture, l’ensemble de la fiction est sous le signe de la couleur. Claire Berest a été inspirée par l’interprétation des couleurs que Frida a elle-même donnée dans son Journal, puisqu’elle y choisit son titre à la mention du noir et plusieurs exergues, en début de chapitres :

« Le vert – lumière tiède et bonne
Solferino (magenta) – aztèque. TLAPALI, vieux sang de figue de barbarie le plus vif et ancien.
Couleur de mole (brun), de feuille qui tombe. Terre.
(Jaune) folie, maladie, peur. Part du soleil et de la joie.
(Bleu) électricité et pureté. Amour
(Noir) rien n’est noir –réellement rien.
(Vert végétal) feuilles, tristesse, science. L’Allemagne tout entière est de cette couleur.
(Jaune verdâtre) davantage de folie et de mystère. Tous les fantômes portent des vêtements de cette couleur, ou du moins des sous-vêtements.
(Vert-bleu) couleur de mauvais augure, de bonnes affaires.
(Bleu) distance. La tendresse elle aussi peut être de ce bleu-là.
(Rouge) sang ? Eh bien, qui sait ? »

Jouant sur l’infini des interprétations, l’écrivaine exploite cette déclinaison des couleurs pour chaque sous-chapitre en un énoncé métaphorique souvent assez sophistiqué. Il y a les énoncés qu’on décode aisément : « Rouge aux éclats de lumière, violent, strident » ; ceux qui restent plus énigmatiques : « Rouge qui s’effeuille du rose à l’orange, vibrant ». Toutefois une attention au moment de vie raconté met sur la voie d’une interprétation.

Les lieux et les dates suivent la chronologie de la vie de Frida Kahlo : mais à l’intérieur de la partie et de ses sous-chapitres il y a de nombreux flash-back qui mettent en relation l’épisode narré et l’antériorité vécue. Choisir 1928, c’est entrer dans la vie de Frida, après l’accident qui va peser de tout son poids dans les vingt deux années de sa vie. C’est insister sur la soirée où elle a jeté son dévolu sur  Diego : « Elle ne voit que lui, sans même avoir à le regarder. […] Un trophée de cirque que chaque femme voudrait s’épingler au corsage – s’empaler au corps sage. Cet homme quintal à l’agilité contre nature, dont les excédents de chair rose ne viennent que renforcer une improbable souplesse et une rapidité de trique sèche, soulève, chez chacune, un goût immédiat et inexpugnable d’interdit ».

Diego emporte le désir par sa laideur « une laideur franche et amusée d’elle-même. Une laideur gustative qui ouvre l’appétit ». C’est une soirée chez Tina Mondotti : ces soirées permettent à la jeune femme, qui vient de subir des mois de souffrance et d’immobilité, de dérouiller ses jambes et de se mêler à la folie de ce milieu d’artistes : « Partie remise, Diego, j’ai tout mon temps. C’est ce que la prison du corset m’a appris, le temps ». Par ce chapitre et ce choix d’ouverture, Claire Berest installe Frida en conquérante et non en victime d’un « monstre ». Succède alors les scènes d’amour évoquées avec précision : la manière de raconter, de nommer Diego montre bien la conscience que Frida a de ce qu’il est : un ogre mais aussi un peintre connu « jusqu’en Europe ».

« Il est le plus grand peintre du Mexique, elle est une métisse de Coyoacàn qui a vingt ans de moins et une colonne brisée en sus. Alors elle lui raconte ». Suit le récit de l’accident où « elle a perdu la boussole de son corps ». Les précisions sur les dégâts occasionnés par l’accident et sa vie antérieure d’étudiante reviennent pour bien comprendre ce qu’elle ressent quand elle se réveille de l’accident : « Regarder alentour, c’était prendre conscience, comme on prend une gifle, d’un champ désormais restreint de ses perspectives ».

Elle fait le bilan : son père – il reviendra dans d’autres sous-chapitres -, sa mère, Alejandro, son novio qui n’est pas venu la voir. Se concentrer sur elle-même « Ne pas bouger. Pour donner une chance à ce corps de se rassembler en un puzzle cohérent et viable ».

Contre toute attente, Frida surmonte, se remet à marcher. Et la narratrice lui prête cette analyse : « Qu’ils soient propres ou figurés, les accidents s’apparentent a posteriori à des carrefours. On rebat des cartes qu’on ne savait pas posséder, on mesure ce qu’il nous reste entre les mains en clairvoyance de ce qui a été amputé ». Ces nouvelles cartes, pour Frida, c’est la peinture qui ne semblait pas faire partie, jeune fille, de ses rêves d’avenir. La narratrice donne ainsi son interprétation des raisons de ce talent qui éclot sur le désastre : « Frida ne peint pour aucune de ces raisons susmentionnées bien sûr, parce qu’elle peint sans raison, sans décision, sans ambition, elle ne sait pas pourquoi elle peint et elle ne se pose pas la question. Ça la soulage. Elle peint parce qu’elle est attachée à un lit, qu’elle a toujours aimé tenir un crayon, parce qu’elle ne peut plus baiser les charmants garçons, parce qu’Alejandro a abandonné sa novia, et qu’il ne faut pas mourir de suite, mais un peu plus tard. Tant qu’à faire.
Heunte ist immer noch.
Aujourd’hui c’est encore toujours ».

On a tant écrit sur la disproportion physique des deux partenaires de ce couple, la narratrice trouve une formule pour l’évoquer : « Parvenu en face d’elle, son mètre quatre-vingt-dix et sa carrure de mastodonte tranche de façon comique avec ce colibri entêté ».

Le bleu et toute sa gamme vire au rouge quand le couple passe de Mexico aux États-Unis. Frida n’aime pas être là, elle se sent délaissée par Diego, un simple ornement couleur locale dans les réceptions : « Frida n’a pas d’agenda propre. Son calendrier c’est Diego ». Mais sa mise en scène vestimentaire lui confère une identité qui construit sa légende. La fiction rapporte beaucoup d’anecdotes dont la plupart ont été inventées ou arrangées par l’un ou l’autre. Diego ne veut pas quitter les Etats-Unis, Frisa ne rêve que de rentrer à Mexico : les disputes se multiplient, le couple se délite. Ce n’est pas une compétition entre peintres : Diego a beaucoup de  respect et d’admiration pour la création de Frida qu’il encourage : mais il y a une profonde incompatibilité entre eux. L’argent gagné permet la construction  d’une maison qui puisse retarder la séparation : « Deux habitations qui se font face et se regardent, la grande rose et la petite bleue, liées et distinctes, comme une réponse astucieuse à l’impossible équation du couple, vivre ensemble mais pas trop ».

Entre colère, souffrance et peinture, Frida use de l’humour qui est une de ses caractéristiques comme l’ont noté ceux qui l’ont connue : « choquer l’autre c’est encore rire, la boutade fait résistance ». Elle ne peut se détacher de son attachement viscéral à Diego : la romancière cite des passages de son journal qui rendent bien compte de cette passion. Trotski qui a eu une brève aventure avec Frida, pense à ce couple improbable : « Il n’a jamais rencontré pareil couple. Cercle fermé à deux, en boucle, duo fou et violent, généreux à l’outrance. Pèlerins et menteurs. Sans bordure ni gêne, sans décence. Elle : chatte dangereuse qui cherche la caresse tout en dirigeant le monde. Lui : orgueil, hybris et génie. Diego y Frida. Indissociables ».

Au terme de la lecture, on se rend compte qu’on s’est laissé emporter, une fois encore, par le récit de cette vie incroyable et que le récit quoi nous en est fait, par sa légèreté apparente et ses formulations qui souvent font mouche, a réussi son pari de ne pas nous lasser. Le choix a été fait d’une narration à la troisième personne où le discours indirect permet, dans de nombreux passages, de confondre la voix de la narration avec celle du personnage élu et d’intégrer aussi d’autres regards tiers comme celui de Cristina ou de Trostki que nous avons cités, ou celui de Diego ou d’autres encore.

Ces publications récentes nous permettent de revenir sur d’autres manifestations de ce que d’aucuns appellent la fridolâtrie ou la fridamania et de signaler trois titres pour enrichir nos lectures sur Diego et Frida. On a beaucoup décrié cette commercialisation de Frida Kahlo, s’attachant à la mise en scène d’elle-même et non à ses qualités artistiques. Mais, par ailleurs, nous avons vu combien sa création était imbriquée étroitement à sa vie et combien son apparence a imprimé une image d’elle-même. Des coques de Smartphones à la poupée Barbie, des taies d’oreiller personnalisées aux étuis de lunettes, des livres de cuisine aux vêtements, Frida Kahlo se décline en objets marchands. Ces déclinaisons commerçantes sont bien éloignées d’un des portraits que Diego a donné d’elle : « Frida est acide et tendre, dure comme l’acier et délicate et fine come une aile de papillon, aimable comme un beau sourire et profonde et cruelle comme l’amertume de la vie ».

Et il est amusant de voir que le site amazon conseille le roman de Claire Berest comme cadeau de la Saint Valentin… une fête amoureuse de bruit et de fureur plus que de mièvrerie sentimentale ! Qu’aurait pensé Frida de cette poupée Barbie et tous ces objets, elle qui était une collectionneuse compulsive ? de poupées en particulier… peut-être les aurait-elle appréciés avec son humour qui pouvait être féroce !

Plutôt que de nous attarder sur ces excroissances inhérentes à la célébrité pour nombre d’artistes et au sens du commerce des héritiers divers, rappelons d’autres ouvrages qui ont précédé les deux que nous venons de parcourir. En 1993, JMG Le Clezio leur consacre son 19e livre. En 1967, il avait fini son service national au Mexique après avoir été expulsé de Thaïlande pour avoir dénoncé le tourisme sexuel. Il commence alors à étudier le maya et le nahuati à l’université de Mexico. De 1970 à 1974, il partage la vie des Indiens Emberás et Waunanas au Panama. Il a acquis une connaissance profonde du Mexique et cela se sent à la manière de traiter son sujet et de l’insérer dans le contexte de l’histoire et de l’actualité mexicaines. Si on sent, dans son roman, une admiration très grande pour le peintre Diego Rivera, une volonté d’inscrire le couple dans son contexte, le romancier ne sacrifie pas l’un au profit ou au détriment de l’autre. C’est vraiment un roman à (re)lire. Il écrit presqu’à la fin de son roman des pages remarquables sur « le blason » du Mexique que représente ce couple, dont nous ne donnons qu’un extrait : « Il est alors évident que Diego ne peut vivre sans Frida, et qu’elle ne peut détourner son regard de celui qu’elle a choisi, sur lequel elle a fondé beaucoup plus que du désir ou de l’admiration, mais toute sa vie. C’est pourquoi l’histoire de ce couple est exemplaire. Les aléas de l’existence, les mesquineries, les désillusions ne peuvent pas interrompre cette relation, non de dépendance, mais d’échange perpétuel, pareille au sang qui coule et à l’air qu’ils respirent. La relation amoureuse de Diego et de Frida est semblable au Mexique lui-même, à la terre, au rythme des saisons, au contraste des climats et des cultures. C’est une relation faite de souffrance, de cruauté, mais aussi d’absolue nécessité. Frida est le Mexique archaïque, la déesse terre descendue parmi les hommes […]. C’est elle que reconnaît Diego, sans le savoir, quand il retrouve le Mexique après la guerre, et qu’il commence une vie nouvelle ». L’autre livre que je voudrais rappeler est le livre d’art qu’Helga Prignitz-Poda consacre à la peinture de Frida Kahlo. Elle commente quarante deux de ces peintures sur les 143 qui composent son œuvre. Les reproductions sont très belles avec une focalisation sur certains détails. Ce livre est une invitation à découvrir en profondeur l’art de Frida Kahlo. On peut alors, une fois re(lus) ces quelques titres, voir enfin le film qui lui a été consacré. Selma Hayek en joue le rôle titre.

Frida Kahlo, collection « Femmes d’exception » du Monde, volume 7, 9 € 99 €. En kiosque depuis le 5 février 2020.

Claire Berest, Rien n’est noir, éditions Stock, août 2019, 250 p., 19 € 50  — Lire un extrait