Coronavirus : 45 patients Franciliens évacués en TGV vers Bordeaux

La directrice médicale du Samu du Val-d’Oise, qui a assuré le transfert de malades pour la première fois, raconte cette expérience hors normes.

 45 patients atteints du Covid-19, en réanimation, ont été transférés des hôpitaux Franciliens vers des établissements à Bordeaux, Poitiers et Angoulême.
45 patients atteints du Covid-19, en réanimation, ont été transférés des hôpitaux Franciliens vers des établissements à Bordeaux, Poitiers et Angoulême. DR

    « Je suis contente de ce qu'on a fait, et assez fière d'avoir mené l'opération à bien. » Agnès Ricard-Hibon, la directrice médicale du Samu du Val-d'Oise, fait le bilan de sa journée sur le chemin du retour. Ce vendredi, elle a accompagné 45 patients Franciliens atteints du Covid-19 évacués vers des hôpitaux de la région Bordelaise, à Poitiers et Angoulême, afin de libérer quelques places dans les services de réanimation saturés. Deux TGV affrétés par la SNCF ont pris le départ avec à leur bord, des malades de Seine-Saint-Denis, de l'Essonne, du Val-d'Oise (4 patients de l'hôpital de Pontoise et 4 autres d'Argenteuil), et de Paris.

    6 heures, le convoi prend la route

    5 heures du matin, l'équipe de Pontoise - parmi les 12 qui encadrent le convoi, trois sont Franciliennes - débute la prise en charge des patients. La première étape de la journée, est l'une des plus difficiles. « Le moment le plus critique c'est quand on change le patient de respirateur, il faut être extrêmement vigilant pour qu'il reste stable », indique la responsable du Samu 95.

    Vers 6 heures, un convoi de six véhicules prend la route direction la gare d'Austerlitz. « Les motards de la police nous ont encadrés, ils étaient essentiels au convoi, explique Agnès Ricard-Hibon. Grâce à eux, on a évité les feux rouges et les changements de vitesse qui peuvent déstabiliser les patients. »

    10 personnels soignants pour quatre patients

    Arrivés sur le quai de la gare parisienne, les agents du Samu, les soignants, mais aussi les bénévoles de la Protection civile, de la Croix-Rouge et de l'Ordre de Malte prennent chacun leurs positions. « Une partie de la gare nous est dédiée, un ordre de chargement est défini à l'avance en fonction des destinations de chacun », poursuit-elle.

    Dans chaque voiture, une équipe composée de deux médecins et quatre infirmiers s'installent autour de quatre patients. Quatre médecins supplémentaires supervisent l'ensemble du train. Sont installés les quatre pousse-seringues, le respirateur et le moniteur cardiaque nécessaire à la survie de chaque malade.

    Vers 6 heures, le convoi du Samu quitte l’hôpital de Pontoise pour rejoindre la gare d’Austerlitz. DR
    Vers 6 heures, le convoi du Samu quitte l’hôpital de Pontoise pour rejoindre la gare d’Austerlitz. DR DR

    Le brancardage, une opération très technique

    La deuxième opération délicate de la journée commence alors. « On ne peut pas plier les patients ou leur demander de bouger, rappelle Agnès Ricard-Hibon. Il y a une technique de brancardage pour le faire rentrer en le laissant installé sur la civière. Le matériel est aussi très sophistiqué. S'il tombe, il se casse et on ne peut vraiment pas se le permettre en ce moment. » Heureusement, tout se passe sans problème. Le TGV part vers 10 heures. À bord, les hospitaliers restent au chevet du patient dont ils sont en charge.

    Le moins d'accélérations ou de décélérations possibles

    Le voyage dure 2h30. Les agents SNCF à bord du train et dans les centres de contrôle anticipent chaque passage à niveau, chaque aiguillage pour que le TGV décélère et accélère le moins possible.

    Arrivé à Bordeaux, le train dans lequel se trouve la directrice du Samu 95 est réceptionné par les soignants locaux qui aident à effectuer la sortie de rame, tout aussi délicate que l'entrée. « Ce qui est exceptionnel, c'est de voir que même si les équipes viennent de toute la France, il y a une homogénéité de pratique qui est assez remarquable, dit-elle dans un sourire audible à l'autre bout du fil. Ça roule comme si on avait fait ça toute notre vie ensemble. »

    « J'ai été interrogée par des journalistes américains, ils sont bluffés »

    Les rames et tout le matériel utilisé pour le transfert sont ensuite scrupuleusement désinfectés sur le quai de la gare de Bordeaux. Les équipes Franciliennes peuvent ensuite prendre le chemin du retour. Arrivée à 18 heures en gare de Vaugirard Montparnasse, Agnès Ricard-Hibon fait le bilan : « tout s'est bien passé ». Et pour cause, le Samu est habitué à gérer les transports de patients dont l'état de santé est critique. C'est ce savoir-faire qui permet d'assurer la lourde logistique d'un tel déplacement avec efficacité.

    « J'ai été interrogée par des journalistes américains, ils sont bluffés par ce qu'on fait : transporter des gens sous respirateur, conclut la directrice du Samu 95. On sait le faire au quotidien donc en situation de crise, on est capable de roder les choses rapidement. Les Français peuvent être fiers de leur système de santé ! »

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