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La dernière folie de Mike Tyson

Retiré depuis 2005, Iron Mike va remonter samedi sur le ring pour un combat-exhibition face à Roy Jones Jr. A 54 ans, tourments apaisés, il dit avoir retrouvé la flamme qui en avait fait la terreur des poids lourds.

Damien Burnier , Mis à jour le
Le boxeur Mike Tyson.
Le boxeur Mike Tyson. © Instagram @miketyson

La salle sera vide mais la lumière belle, la barbe blanche effacée et la silhouette impressionnera encore. Mike Tyson a l'âge des charentaises mais les muscles réveillés. Témoins, ces pastilles vidéo distillées depuis le printemps façon teaser. Frappes furieuses au sac ou sur les pattes d'ours, buzz garanti avant d'appuyer sur les sous-titres : "Je ne me suis jamais senti aussi léger, affûté et méchant depuis mes 18 ans." Il en a 54 et va donc remonter sur un ring, au Staples Center de Los Angeles. Une folie de plus dans une destinée qui les a empilées. Annonçant 97 kilos, lui qui est monté à 170 au pic du laisser-aller et des dérives addictives, il a le dessein anachronique : "Je veux que le monde voie à quel point je suis grand."

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Comme dans les souvenirs, Tyson prend beaucoup de place sur l'affiche. A en oublier qu'une autre légende lui fera face. Maître de l'esquive et du contre, Roy Jones Jr a été champion du monde dans quatre catégories, des poids moyens aux lourds. Il a 51 ans mais sa carte de boxeur est restée active jusqu'en février 2018, ce qui atténue ici la part de mystère. Les fameux gauche-droite de Tyson, eux, sont sortis des radars depuis 2005. Un abandon à l'appel du 7e round devant un tâcheron, Kevin McBride, payé 150 000 dollars quand lui en empochait plus de 5 millions. "Je boxais pour l'argent, a-t-il rappelé il y a peu. J'étais accro à la drogue, je redoutais même d'être sur le ring. Ce type, c'était mon fantôme."

Les boxeurs assurent ne pas être là pour plaisanter

L'année suivante, une brève exhibition en t-shirt, adversaire bedonnant et casqué, n'ajoutera rien à sa gloire et fera peu pour calmer ses dettes. Une exhibition, tel est aussi le libellé officiel du rendez-vous de samedi, à des fins caritatives. "Aider des sans-abris et des putains de camés dans mon genre", suggérait Tyson en avril. Mais au fil des semaines, c'est comme si les codes du boxing business avaient grignoté le décorum de cette réunion d'anciens combattants. La WBC, une des quatre grandes fédérations, est entrée dans la danse en mettant en jeu une ceinture honorifique (Frontline Battle Belt). Trois juges, huit rounds, pas de protection, des gants de 12 onces, juste un peu plus gros que ceux utilisés chez les lourds, contrôle anti-dopage : le tableau se veut crédible.

Il y a, surtout, des boxeurs qui assurent ne pas être là pour plaisanter. Pitch il est vrai recommandé pour faire tourner le pay-per-view, fixé à 49,99 dollars la séance (sur la plate-forme Triller). "Je vais venir combattre et il va venir combattre. C'est tout ce qu'il faut savoir", prévient Tyson. "Ce sera pour de vrai", appuie Jones. Les deux se sont même plaints de la durée réduite des rounds, décidée par la Commission athlétique de Californie : "Deux minutes, c'est pour les femmes!" L'âge, les risques accrus de traumatisme? Sujets vite balayés.

On a le droit de trouver ce barnum déraisonnable et sportivement vain. Mais c'est ainsi, rouillé ou pas, Iron Mike occupe trop de pages dans les livres de boxe pour ne pas aimanter des regards intrigués lorsqu'il s'y remet. Plus jeune roi des lourds, à 20 ans et 4 mois, il a terrorisé l'adversité au mitan des années 80, fasciné les foules par sa férocité, déraillé aussi, jusqu'à arracher un morceau d'oreille à Evander Holyfield dans leur revanche mondiale de 1997. Holyfield, qui n'aurait pas été contre une nouvelle lampée, à 58 ans : "ça aurait dû être moi en face."

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Biétry et Kassovitz aux commentaires en France

L'événement sera diffusé en France sur la chaine Action, dédiée au cinéma castagne. Aux commentaires, accompagné de Mathieu Kassovitz, Charles Biétry, qui a suivi au plus près la trajectoire du gamin de Brooklyn, jusqu'à interviewer en prison en 1994 suite à sa condamnation pour viol. "Je ne sais pas si on aura un vrai combat, admet l'ancien journaliste de Canal+. Mais à tout moment, si un coup ou une attitude lui déplait, Mike est capable de dégoupiller." "Je n'ai pas de doute sur le fait qu'il l'emportera mais je vais regarder avec une grande curiosité, émet Jean-Marc Mormeck, ex-challenger mondial des lourds face à Vladimir Klitschko, qui le comparait justement à Tyson. Laissons-le faire et jugeons ensuite. Qui peut dire aujourd'hui qu'il n'est plus capable d'accélérer et de toucher, même un jeune boxeur ? Quand on a la foudre dans les poings, ça ne se perd pas comme ça."

Reste qu'avec le temps, la figure du mauvais garçon et l'empreinte animale se sont atrophiées, loin de celui qui disait vouloir "manger les enfants" de Lennox Lewis, avant le dernier de ses seize championnats du monde (2002). On l'a vu désemparé à la mort de sa petite Exodus, quatre ans. Bluffant sur scène dans un one man show autobiographique. Truculent en guest star dans Very Bad Trip. On l'a lu, captivé par une autobiographie dans laquelle il ne se donne pas le beau rôle (La Vérité et rien d'autre, Les Arènes). Et même découvert entrepreneur dans la culture du cannabis, un produit légalisé au Nevada, là où il s'est posé avec sa troisième épouse, "Kiki" Spicer, à qui il doit d'avoir canalisé ses démons. Un business dont il profite en nature et qui génère, disait-il l'an passé, quelque 500 000 dollars mensuels.

Alors, au fond, pourquoi revenir ? 58 combats, 50 victoires, 44 KO, une vie de famille, n'est-ce pas suffisant pour juguler les assauts de l'ego? La tentation du come-back est un sentiment très partagé dans la confrérie pugilistique, imbibée du souvenir de George Foreman, sorti de sa retraite pour redevenir champion du monde des lourds à 45 ans. Dernier exemple en date, Oscar De la Hoya, 47 ans et membre du Hall of Fame, plus que titillé à l'idée de défier "les meilleurs" du moment.

"Les boxeurs ont tous besoin de l'affrontement, de la lumière, de l'adrénaline, de la peur, c'est une multitude d'émotions qui leur manquent, observe Charles Biétry. En général, ça vient deux ou trois ans après, rarement quinze comme pour Tyson. Mais lui a vécu tellement de périodes différentes que le sport, après tout, c'est comme s'il venait de l'arrêter. Il dit que quelque chose s'est allumé quand on lui a parlé de reboxer. C'est peut-être ça, en effet. Je ne pense pas qu'il revienne juste pour l'argent. Je crois qu'il court encore après sa vie." Ce qu'on en sait sera projeté à terme à l'écran : un biopic est en préparation, avec Jamie Foxx dans le rôle.

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