L'entrée du village de Laguiole en septembre 2012

L'entrée du village de Laguiole en septembre 2012.

afp.com/Rémy Gabalda

C'est une bataille judiciaire à couteaux tirés. Le village de Laguiole, célèbre pour son savoir-faire en matière de coutellerie, ne décolère pas contre Gilbert Szajner, un habitant du Val-de-Marne qui a déposé la marque Laguiole en 1993. Il commercialise sous ce nom des couteaux importés et d'autres produits fabriqués en Chine ou au Pakistan.

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Dépossédée de l'usage commercial de son nom, la commune a été condamnée à verser 100 000 euros à son adversaire. Elle appelle ce jeudi toutes les communes de France à la rescousse.

Le leader du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon a dénoncé sur son blog "le sort scandaleux" fait à Laguiole. "Ce village se voit condamner à une double peine, juge-t-il. Il est privé du droit d'utiliser son nom pour commercialiser le traditionnel couteau et vanter le savoir-faire de ses habitants. Et il est condamné à payer 100 000 euros." Une décision "honteuse" selon lui. Même constat au Front National. Dans un communiqué, le parti regrette cette situation et attaque le gouvernement, qui laisse filer selon lui "un morceau de notre patrimoine national".

"Parasitage"

Le 4 avril, la cour d'appel de Paris a débouté la commune de 1.300 habitants qui souhaitait voir la justice reconnaître "une spoliation", une pratique commerciale "trompeuse" et une "atteinte à son nom, à son image et à sa renommée".

"Si un entrepreneur de Laguiole souhaite fabriquer un plateau de fromages avec le nom de Laguiole, il se retrouve en contrefaçon d'un produit chinois!", s'étrangle le maire du village Vincent Alazard. "Et, maintenant, nouvelle aberration, nous voilà condamnés à payer 100.000 euros de frais de justice - soit presque 10% de notre budget - à ce monsieur qui gagne de l'argent avec notre nom!", a-t-il protesté, tout en précisant que la commune entendait prendre "le temps de la réflexion" avant de déposer un éventuel pourvoi en cassation.

Pour Thierry Moysset, patron de la Forge de Laguiole, "c'est quand même fou que les Laguiolais soient condamnés à payer pour un mec qui s'enrichit sur la notoriété de Laguiole et le travail de nos ancêtres". "Monsieur Snajer n'a généré de l'emploi qu'en Chine ou au Pakistan tandis que nous sommes le plus gros employeur de Laguiole (avec 110 salariés, ndlr)", a-t-il affirmé, en dénonçant un "parasitage".

Une loi pour éviter ces litiges... mais qui ne sera pas rétroactive

Dans un communiqué, les ministres Arnaud Montebourg (chantre du Made in France) et Valérie Fourneyron avaient évoqué mercredi "l'émoi légitime" des Laguiolais, tout en rappelant qu'une nouvelle disposition législative avait été adoptée pour permettre d'éviter ce genre de "situation regrettable". Quand la loi Consommation du 17 mars 2014 s'appliquera, "le titulaire d'une indication géographique existante pourra s'opposer au dépôt d'une marque qui lui porterait atteinte", selon leur communiqué.

Mais Laguiole ne pourra de toute façon pas en bénéficier, la loi n'étant pas rétroactive, fait valoir M. Moysset qui estime que "le gouvernement doit arrêter de compatir et entrer en action".