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Sécheresse : « Il est possible que la France manque d'eau cet été »

INTERVIEW - Les entreprises de l'eau ont appelé, lundi, tous les usagers à « la sobriété » dans leurs consommations face à la sécheresse. Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), analyse la situation. 

Camille Sellier , Mis à jour le
Le manque d’eau pourrait menacer d’ici à la fin de l’été une grande part du territoire national.
Le manque d’eau pourrait menacer d’ici à la fin de l’été une grande part du territoire national. © AFP

La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), dont les membres distribuent l’eau potable à 60 % des Français, ont appelé les usagers lundi à la « sobriété » dans leurs consommations d'eau alors qu'une vague de chaleur touche le pays. Le manque d’eau pourrait menacer d’ici à la fin de l’été une grande part du territoire national. 36 départements sont déjà soumis à des restrictions d’usages. Certaines nappes souterraines sont dans un état préoccupant, alertent les entreprises de l'eau. « Dans certaines régions, nous avons des niveaux de précipitation très faibles, qu'on n'avait pas vu depuis près de 60 ans », souligne auprès du JDD Tristan Mathieu, délégué général de FP2E.

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La France peut-elle manquer d'eau cet été ? 
Il est possible que la France manque d'eau cet été. Aujourd'hui, il y a déjà 36 départements français qui sont soumis à des restrictions d'usage. C'est très tôt dans la saison. Nous n'étions pas habitués à ça, même si lors de l'été 2019, nous avions fini avec 88 départements, avec des restrictions d'usage, soit la quasi-totalité du territoire. On prédit des très fortes chaleurs, ce qui signifie un besoin plus important en eau, alors que nous avons connu des taux de précipitation inférieurs de 20 % à des moyennes normales. Dans certaines régions, nous avons des niveaux de précipitation très faibles, qu'on n'avait pas vu depuis près de 60 ans. 

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La situation peut-elle être critique ?
Nous avons des alertes, notamment dans quelques villages dans le Sud de la France, qui commencent à être alimentés par camions-citernes, c'est-à-dire qu'il n'y a plus d'eau. Nous avons des cellules de crise qui sont déjà actives depuis trois semaines pour essayer de détecter là où cela va être très compliqué et là où nous pouvons réussir à donner des consignes d'exploitation des services publics d'eau qui permettent de mieux préserver la ressource. Notre appel vise à la sobriété pour tous les usagers de l'eau, de l'agriculture, du monde industriel, des collectivités locales et des consommateurs. Nous essayons de faire le plus d'économies possibles par de la performance opérationnelle en ayant le moins de fuites sur nos réseaux. Nous pensons que la sensibilisation des consommateurs est primordiale. 

Quelles sont les régions de France particulièrement concernées par le manque d'eau ?
La vallée du Rhône est souvent touchée par ce genre de phénomène. Dans le Sud-Est, il y a les départements des Alpes-Maritimes et du Var. Il y a eu moins d'eau à Nice qu'il n'y en avait eu depuis 58 ans. C'est une situation exceptionnelle et nous sentons que l'arrière-pays niçois est dans un cas de stress hydrique important. Le littoral Ouest l'est aussi, avec notamment la Vendée ou la Loire-Atlantique. Ce sont des endroits où on attend une population touristique abondante. Cette année sera certainement une année record en termes de fréquentation touristique, c'est pour cela que nous lançons cette alerte aujourd'hui. 

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 Le but est qu'il n'y ait pas de rupture en alimentation d'eau

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Vous appelez tous les usagers, dont les agriculteurs, à la « sobriété » dans leur consommation. Comment peuvent-ils agir pour réduire leur consommation tout en préservant leur récolte ? 
De manière immédiate, ce qui peut aider, c'est un recours à plus de sciences et de technologies : un meilleur pilotage de l'irrigation en utilisant mieux les prévisions climatiques, l'utilisation des drones pour cartographier les champs et essayer de repérer les zones d'humidité de celles qui le sont moins en mettant des capteurs d'humidité dans le sol. L'agriculture 2.0 est en cours mais il reste encore beaucoup à développer. Les agriculteurs peuvent à la fois avoir des pratiques d'irrigation par aspersion ou par goutte à goutte, qui sont moins consommatrices d'eau. 

Quels sont les dispositifs pour les usagers pour surveiller la consommation d'eau ? 
Sur les 60 % de Français à qui l'on distribue de l'eau, il y en a 40 % qui sont équipés de compteurs intelligents. Cela nous permet d'envoyer des alertes SMS ou de leur donner des informations précises sur leur consommation hebdomadaire, afin notamment de bien vérifier qu'il n'y ait pas de fuite dans la maison. Il faut aussi respecter les arrêtés sécheresses, qui vont interdire certains usages dans la maison. Les gens qui ont des piscines, par exemple, doivent faire attention. Le but est qu'il n'y ait pas de rupture en alimentation d'eau, c'est une condition indispensable. 

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La fédération préconise aussi l'accélération de la mise en œuvre des « solutions fondées sur la nature ». Quelles sont-elles ? 
Il peut y avoir une forme de solution hybride entre ce que nous apporte la technologie et ce que nous apporte la nature. C'est un message d'espoir qui semble salutaire. La végétalisation de nos campagnes et de nos villes peut aider. De la même manière, le fait de désimperméabiliser les sols pour faire en sorte que le rythme de l'eau lorsqu'il s'écoule se ralentisse et pénètre mieux dans les terres plutôt que de faire des grands ruisseaux, c'est très positif. Dans les solutions qu'on peut combiner, il y a aussi la réutilisation des eaux usées. 

Face au réchauffement climatique, le tarif de l'eau pourrait-il augmenter ? 
Le constat fait par les experts est celui d'un déficit d'investissement dans le secteur de l'eau. Il faut des investissements notamment pour mettre en place des nouvelles générations d'équipement. Le prix de l'eau, aujourd'hui en France, c'est 0,4 centime d'euro le litre. L'augmentation du prix de l'eau peut être la conséquence à la fois de la préservation de l'environnement et du réchauffement climatique. Si c'est le cas, cela doit amener à une attention encore plus forte vis-à-vis des populations qui peuvent avoir des difficultés pour payer leur facture d'eau. 

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