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Edito

Insectes : s’ils disparaissent, nous disparaissons

La biodiversitédossier
Coccinelles, abeilles ou papillons déclinent à un rythme vertigineux. Tandis qu’une inquiétante nouvelle forme de pesticide est testée en Europe, le biologiste britannique Dave Goulson démontre que l’extinction des insectes menace directement l’espèce humaine.
par Dov Alfon
publié le 11 avril 2023 à 21h21

Sans eux, il n’y aurait plus de chocolat. Il n’y aurait plus rien de bon en fait, comme ils constituent le maillon essentiel de notre chaîne alimentaire. Sans insectes, plus d’oiseaux, plus de fleurs, plus de lait de vache et plus de vaches tout court. Un scénario apocalyptique, mais qui devient tragiquement réel, à un rythme qui inquiète les chercheurs les plus prudents. C’est le cas du biologiste britannique Dave Goulson, l’un des 20 000 scientifiques qui avaient signé l’«avertissement à l’humanité» publié dans la revue Bioscience en 2017 sur les dangers des atteintes à la biodiversité. Il revient à la charge avec un livre-événement, Terre silencieuse, qui vient de paraître en français. Et cette fois, l’alerte est donnée : en trente ans, 75 % des insectes ont déjà disparu, entraînant avec eux une chute vertigineuse d’oiseaux. En Angleterre par exemple, entre 1967 et 2016, le nombre de gobemouches gris a chuté de 93 %. D’autres oiseaux très communs ont subi le même sort, comme la perdrix grise (-92 %), le rossignol (-93 %) ou le coucou (-77 %).

La majorité des enfants n’en connaissent que la version dessinée dans leurs livres. «Mais les humains souffrent déjà, eux aussi», explique Goulson dans un entretien avec Libération : «3 à 5 % de la production mondiale de fruits, légumes et noix sont perdus dans le monde à cause de la baisse du nombre de pollinisateurs, menant à une surmortalité de 427 000 personnes par an.» En Allemagne, une étude pointe un déclin extrêmement rapide, tandis que les merveilleux papillons monarques qui hivernent en Californie sont au bord de l’anéantissement, avec une chute de 97 % entre 1997 et 2018. Comme si la situation n’était pas assez alarmante, l’Europe est sur le point d’adopter une nouvelle forme de pesticide, dont notre enquête pointe les nombreux dangers potentiels. Le naturaliste français Hugues Mouret donne un contre-exemple modeste mais éblouissant avec son paradis pour insectes pollinisateurs qui compte déjà 190 espèces de papillons. C’est le genre d’initiatives qu’il nous faudrait multiplier à l’échelle mondiale avant qu’il ne soit trop tard.

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