Critiqué pour avoir célébré la fin du masque dans une vidéo, l’hôpital de Béziers quitte Twitter

Le directeur du centre hospitalier dit avoir voulu, en vidéo, « remercier les soignants en montrant leur visage ». Il regrette « des échanges de comptoir sans le côté convivial du comptoir » sur le réseau social acquis par Elon Musk en octobre dernier.

Dans une vidéo postée sur YouTube, des dizaines de soignants et de membres du personnel du centre hospitalier de Béziers retirent leur masque, sourire aux lèvres. « Il n’y a aucun message dans ce film », assure le directeur de l'hôpital. Capture YouTube
Dans une vidéo postée sur YouTube, des dizaines de soignants et de membres du personnel du centre hospitalier de Béziers retirent leur masque, sourire aux lèvres. « Il n’y a aucun message dans ce film », assure le directeur de l'hôpital. Capture YouTube

    « Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt », titre le communiqué. Le centre hospitalier de Béziers a annoncé cette semaine son départ du réseau social Twitter, où il était présent depuis mai 2019. La faute à « un torrent de haine, de violences et d’injures » après la mise en ligne, le 7 mai sur YouTube, d’une vidéo « célébrant » la fin du masque obligatoire dans les locaux, selon l’hôpital.

    On y voit des dizaines de soignants et de membres du personnel retirer leur protection au visage, sourire aux lèvres. Plusieurs internautes ont vivement réagi, notamment des professionnels de santé, choqués par le fait d’enlever ostensiblemenr son masque dans un lieu accueillant des patients parfois fragiles.

    Le directeur de l’hôpital, Philippe Banyols, assure qu’il ne fallait y avoir aucun message et estime qu’il « est devenu impossible de débattre sur ce sujet comme sur celui de la vaccination » sur Twitter.

    Pourquoi avoir décidé de faire cette vidéo ?

    PHILIPPE BANYOLS. Nous avons généralisé le port du masque obligatoire le 8 mai 2020. Le 8 mai étant aussi une date symbolique, celle de la Libération, j’avais envie de faire un film où l’on voit le sourire des collègues. Le masque nous prive de quelque chose en termes de relations humaines, et notamment de voir sourire. J’ai pris mes fonctions depuis quatre ans, et il y a certains soignants dont j’ai découvert le visage à cette occasion. Il ne faut pas oublier l’horreur de la pandémie que l’on a vécue. Ce combat a été gagné et il fallait remercier les combattants en montrant leur visage. On a oublié un ou deux services qui nous l’ont reproché ! Donc j’assume à 100 % l’idée de cette vidéo.

    Que s’est-il passé après la mise en ligne, le 7 mai sur YouTube ?

    Nous avons eu des réactions très différentes d’un réseau social à un autre : très bon accueil sur Facebook et LinkedIn, et bad buzz (bouche à oreille négatif) sur Twitter. C’est un cas d’école, mais cela ne nous était jamais arrivé et on ne s’y attendait pas. Il y avait notamment beaucoup d’injures, on nous qualifiait d’irresponsables et on nous accusait d’envoyer un mauvais message. J’ai vécu cela comme une crétinerie absolue, et comme des échanges de comptoir sans le côté convivial du comptoir.

    Beaucoup des critiques étaient tout à fait posées et constructives, jugeant un tel film contradictoire avec la recommandation des autorités de continuer à porter le masque à l’hôpital...

    À aucun moment un film sur YouTube n’a la même valeur qu’une note de service ! Nous sommes exemplaires sur le plan de l’hygiène. Le masque n’est plus obligatoire dans les couloirs, dans les bureaux administratifs, mais il est toujours porté dans les services de soins, notamment ceux qui accueillent des patients à risques. Il n’y a aucun message dans ce film. Quand vous marchez dans la rue et que quelqu’un derrière vous allume une cigarette, cela ne veut pas dire qu’il vous incite à fumer. Là, il y a des gens qui sourient. Est-ce un problème de voir des gens sourire ?

    Pourquoi ne pas avoir cherché à répondre aux critiques ?

    La direction de la communication a essayé de répondre au début, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas la peine et qu’il n’y avait rien à faire. Tout est permis sur Twitter, ça n’a ni queue ni tête. Sur ce sujet comme sur celui de la vaccination, il est devenu impossible de débattre. C’est la loi de la jungle, il n’y a plus aucune règle, surtout depuis l’arrivée d’Elon Musk (qui a pris la tête de Twitter fin octobre dernier). Aujourd’hui, cela n’a plus aucun intérêt pour nous.

    Vous dites que Twitter est devenu « incompatible avec les valeurs hospitalières », c’est-à-dire ?

    Notre métier, c’est la bienveillance, c’est de prendre soin, c’est d’accueillir la maladie, la misère. Dans ma façon de travailler, j’essaie toujours de ne pas ajouter de la tension à la tension. Des gens qui sont malveillants, haineux, qui injurient très facilement, ce n’est pas compatible.



    Quitter Twitter, n’est-ce pas le risque de se couper d’une partie du public ?

    Je l’assume ! Mais Twitter paraît beaucoup moins influent qu’avant. Et cela ne veut pas dire que l’on va arrêter de communiquer. On a toujours intérêt à dire et à expliquer ce que l’on fait, à valoriser nos personnels, etc. Mais on le fera désormais sur d’autres réseaux.

    Cette décision est-elle irrévocable ?

    Oui, et j’ai appris avec l’âge à ne pas agir sur le coup de la colère (il s’est écoulé trois semaines entre le début de la polémique et la décision de quitter le réseau social). Par ailleurs, s’il faut remettre le masque obligatoire partout, on le fera.