La nouvelle stèle érigée par l'association Tous Migrants en hommage aux 12 migrants décédés à la frontière franco-italienne .Crédit : Capture d'écran X
La nouvelle stèle érigée par l'association Tous Migrants en hommage aux 12 migrants décédés à la frontière franco-italienne .Crédit : Capture d'écran X

Les services municipaux de Briançon ont retiré mardi une stèle de pierres en hommage aux 12 migrants morts en tentant de franchir la frontière franco-italienne entre 2018 et 2023. Le maire, Arnaud Murgia, explique que l'association Tous Migrants, à l'origine du geste, n'a pas obtenu les autorisations nécessaires, tandis que les bénévoles dénoncent une mesure politique visant à invisibiliser les morts à la frontière.

Les 5 000 signatures récoltées par la pétition en ligne n'ont pas suffi. Mardi 26 mars, les services ce la mairie de Briançon (Hautes-Alpes), haut lieu de passage de migrants entre l'Italie et la France, ont retiré une stèle qui rendait hommage aux 12 personnes décédées entre 2018 et 2023, en tentant de traverser la frontière. "Même mortes, un élu 'républicain' leur interdit d'exister", a réagi l'association Utopia 56 dans un tweet. "Le maire de Briançon s'enferme dans un refus de dialogue", a de son côté dénoncé l'association locale Tous Migrants.

Le 6 février, cette association d'aide aux migrants avait érigé un cairn [monticule de pierres empilées, ndlr] pour rendre hommage aux exilés qui ont péri dans les montagnes en tentant de passer de l'Italie à la France, par les cols de l'Échelle (1762 m) ou de Montgenèvre (1850 m), deux chemins qui peuvent s'avérer très périlleux sans matériel adapté ou en période hivernale. En octobre dernier, un exilé avait été retrouvé mort dans la rivière Durance après une chute "accidentelle" alors qu'il venait de franchir la frontière.


La frontière franco-italienne dans les Alpes.
La frontière franco-italienne dans les Alpes.


Mais ce petit monument naturel n'a pas été du goût du maire LR de Briançon, Arnaud Murgia, qui y a vu un moyen de "cibler la mairie" et une "instrumentalisation de la cause migratoire" par les associations. La mairie avait par ailleurs rappelé que le cairn avait été construit sur le domaine public et sans demande préalable. Le 27 février, les associations ont fait la demande officielle, mais elles se sont vues opposer une fin de non recevoir.

Tous Migrants avait jusqu'au 22 mars pour retirer la stèle et a même mis en place des rondes de militants pour veiller sur cette structure très symbolique. Mais les services municipaux l'ont finalement retirée ce mardi matin. Des bénévoles ont immédiatement érigé une nouvelle structure semblable plus loin.

Bras de fer politique

Les associations d'aide aux migrants et la municipalité LR de Briançon s'opposent régulièrement sur la question migratoire depuis plusieurs années. Le maire Arnaud Murgia reproche aux bénévoles d'instrumentaliser la question migratoire pour faire pression sur lui, tandis que les humanitaires dénoncent l'inaction de l'État en matière d'hébergement d'urgence dans cette ville devenue, malgré elle, un point de passage stratégique pour les migrants en provenance d'Italie. Depuis 2016, plus de 25 000 exilés auraient franchi la frontière à pied.

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En 2021, un collectif d'associations a ouvert Les Terrasses solidaires, qui accueillent toute l'année plusieurs centaines de migrants pour une capacité maximale de 81 places. Mais le dispositif, qui a succédé au Refuge solidaire, fermé quelques mois plus tôt, est régulièrement débordé par les arrivées. Dans la nuit du 13 au 14 août 2023, les Terrasses ont, par exemple, accueilli 300 migrants, et les gestionnaires ont failli fermer le site. La même scène s'était déjà produite à l'hiver 2021 lors duquel plusieurs dizaines de migrants s'étaient retrouvés à dormir à la gare de Briançon.

De leur côté, la préfecture comme la mairie privilégient un renforcement des forces de police à la frontière à une augmentation des capacités d'hébergement d'urgence, pour endiguer le flux de passages. La situation ne risque pourtant pas de s'améliorer dans le temps : en 2023, l'Italie a vu arriver 156 000 migrants sur ses côtes (dont la plupart poursuivent leur route vers la France), soit 50% de plus qu'en 2022.

 

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