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Alexandre Demidenko, Russe qui aidait les réfugiés ukrainiens, mort en prison

Ce bénévole de 61 ans était une figure locale connue à Belgorod, grande ville russe à une trentaine de kilomètres de la frontière avec l’Ukraine. Arrêté en octobre dernier puis mort en avril, il aidait les citoyens ukrainiens qui voulaient retourner chez eux. Les autres volontaires désormais se cachent et vivent dans la peur.

Des enfants regardent à travers les vitres d'une voiture. Des réfugiés de la région de Kharkiv en Ukraine arrivent dans un camp temporaire à Belgorod, en Russie, mercredi 14 septembre 2022. (Image d'illustration)
Des enfants regardent à travers les vitres d'une voiture. Des réfugiés de la région de Kharkiv en Ukraine arrivent dans un camp temporaire à Belgorod, en Russie, mercredi 14 septembre 2022. (Image d'illustration) © AP
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Avec notre correspondante à Moscou,

Longtemps, ces réseaux de volontaires ont été tolérés par les autorités russes. Ils s'exprimaient sur les réseaux sociaux, répondaient à la presse locale comme étrangère, y compris RFI. Alexandre Demidenko tout particulièrement. 

« C’était un homme profondément idéaliste », raconte son fils Oleg au téléphone depuis Prague où il vit depuis six ans. « Un homme avec des idées assez romantiques, pour qui il fallait toujours aider son prochain et qui pensait que tout le monde devait se comporter ainsi. Un homme qui considérait comme immature de ne pas s’intéresser à la politique et à la vie publique, qui s’est toujours soucié ce qu’il se passait dans les pays voisins. Il était même allé à Kiev en 2014 pendant le mouvement Maïdan. »

« Ce qu’il s’est passé ensuite avec l’annexion de la Crimée l’a mis très en colère, poursuit son fils Oleg. Et comme il n’avait pas sa langue dans sa poche, il s’était même disputé avec des amis qui avaient une position alignée sur celle du pouvoir et était allé jusqu’à arrêter de parler à certains d’entre eux. Par conséquent, il ne pouvait pas être indifférent à la situation actuelle. Il pensait que les réfugiés ukrainiens qui ne voulaient pas rester dans les territoires occupés par la Russie et voulaient retourner chez eux se trouvaient dans une très mauvaise situation, car ils ne savaient pas comment traverser la ligne de front. Donc, pour mon père, c'était clairement un groupe de personnes qui avait besoin d'aide. »

Pendant deux ans, Alexandre Demidenko a aidé, selon différentes estimations, environ 900 personnes. Soit à passer via Belgorod et le point de passage terrestre de Kolotilovka vers Karkhiv, soit à trouver des relais pour les amener dans les pays baltes ou à Saint-Pétersbourg, pour ensuite passer par la frontière finlandaise.

Irina, une autre bénévole interrogée par téléphone et qui n’a pas révélé le lieu où elle se trouvait, raconte : « Pendant deux ans, il était toujours occupé, mais toujours d’une grande fiabilité. La guerre était une tragédie personnelle pour lui. Alors, il voulait faire tout ce qui était en son pouvoir pour aider. Il allait jusqu’à se rendre à la gare de Belgorod à 5 heures du matin et demander à la cantonade qui avait besoin d’aide. Au début, quand il accueillait les réfugiés chez lui, il dormait dans sa salle de bains. Ensuite, il s’est mis à construire une seconde maison. »

L’administration pénitentiaire russe parle de suicide

Ces Ukrainiens désireux de quitter la Russie et donc hautement suspects aux yeux des autorités russes, Alexandre Demidenko les transportait jusqu’au point de passage et les aidait notamment à remplir les formulaires nécessaires. L’activité était déjà risquée, mais Alexandre Demidenko était en plus allé jusqu’à dire haut et fort tout le mal qu’il pensait des conditions de passage des réfugiés.

Il a été arrêté dans la zone du poste-frontière le 17 octobre 2023, puis a disparu pendant trois jours avant d’être placé en détention provisoire pour « ébriété sur la voie publique ». Une dizaine de jours plus tard, une perquisition effectuée sous les yeux de sa femme lui ont permis de photographier un dos constellé de bleus. Alexandre Demidenko a ensuite été inculpé de « détention illégale d’explosifs ». Transféré à l’hôpital en mars, il est décédé en avril. L’administration pénitentiaire russe a évoqué un suicide. De sa mort, son fils dit simplement : « C'était une surprise pour moi, mais en même temps, j'étais un peu préparé à cela, car j’avais reçu des lettres très sombres de mon père. Deux semaines avant, il m’avait même dit qu’il rédigeait son testament. »

L’arrestation d’Alexandre Demidenko, puis sa mort, ont en tout cas eu un contrecoup réel sur les activités du réseau de bénévoles russes aidant les réfugiés ukrainiens. Quand ils agissent encore, ils sont désormais nombreux à se cacher. Pour Irina, « Alexandre Demidenko a fait preuve d’un immense courage. Des gens qui agissaient comme lui l’a fait, il n’y en a plus. Et ceux qui restent sont sous une immense pression et courent un très grand danger face auquel ils sont désormais sans défense. Eux aussi, désormais, ont besoin d’aide ».

Depuis la fermeture en décembre 2022 du barrage de Vasilievka dans la région de Zaporijia, le poste-frontière de Kolotilovka, à la sortie de Belgorod, est le dernier point de passage terrestre entre la Russie et l’Ukraine.

Reportage internationalRussie: à Belgorod, la routine de la peur

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