L'avion Sea Bird de l'ONG Sea-Watch International repère les embarcations d'exilés en détresse en mer et les signale aux navires humanitaires. Crédit : Sea-Watch International
L'avion Sea Bird de l'ONG Sea-Watch International repère les embarcations d'exilés en détresse en mer et les signale aux navires humanitaires. Crédit : Sea-Watch International

Les petits avions d'associations humanitaires ne pourront plus utiliser les aéroports de la Sicile, de Lampedusa, ou de Pantelleria, situées sur la route migratoire de la Méditerranée centrale. Le travail de repérage des pilotes est pourtant d'une aide précieuse pour les navires d'ONG à la recherche de canots de migrants en détresse.

Nouvelle entrave pour les ONG en Méditerranée. Lundi 6 mai, l'Autorité italienne de l'aviation civile (ENAC) a annoncé que les avions utilisés par des associations pour repérer les bateaux de migrants en difficulté ne pourraient plus décoller des aéroports de Sicile, Pantelleria et Lampedusa, des îles proches des routes empruntées par les exilés. "Cette ordonnance entre en vigueur avec effet immédiat", indique l’ENAC.

Dans son ordonnance, l’organisation assure que l’utilisation de ces avions est "injustifiée". D'après elle, ces derniers représentent "une charge pour les équipes de sauvetage officielles" et "compromettent la sécurité des migrants".

L’ONG allemande Sea-Watch, qui possède deux avions, a qualifié cette décision "d’acte de lâcheté et de cynisme de la part de ceux qui criminalisent les ONG à des fins de propagande politique", a-t-elle déclaré sur X. "Nous ne cesserons pas nos opérations même si cela doit mettre en danger nos avions. Cette attaque qui bafoue le droit international ne nous empêchera pas de continuer à ennuyer ceux qui voudraient que ce qui se passe quotidiennement en Méditerranée reste un secret".

Ce 8 mai à 13h, l'ONG a fait décoller l'un de ses avions, le Seabird 2, depuis l'île de Lampedusa.

L'association Pilotes Volontaires, de son côté, estime avoir "toujours agi dans le plein respect du cadre légal" et "a toujours reconnu la compétence officielle des autorités maritimes italiennes". "En tant que citoyens, nous ne faisons que respecter l'obligation de porter assistance à toute personne en détresse en mer en les signalant ; nous en abstenir nous exposerait à des poursuites pénales", affirme-t-elle sur X.

L'ONG assure donc que "cette ordonnance n'a pas pour effet de remettre en question la légalité des vols d’observation tels que nous les avons toujours menés, ni d’en interdire la poursuite".

"Précieux soutien"

Ces petits avions sont très utiles aux navires de sauvetage présents en Méditerranée. Durant des heures, leurs pilotes sillonnent le ciel au-dessus de la mer, à la recherche de canots en détresse. Si une embarcation est repérée, sa position est communiquée aux bateaux humanitaires, ou aux garde-côtes italiens, qui déclenchent un sauvetage.

Les 4 et 5 mai, l'avion Colibri 2 de Pilotes Volontaires a repéré au total 12 embarcations sur la route tunisienne avec plus de 350 personnes à bord. "Toutes ont été sécurisées dans les plus brefs délais possibles par [les navires humanitaires] Maldusa et Nadir, puis secourues par les garde-côtes italiens", indique le compte X de l'ONG, pour qui "l’association des moyens maritimes et aériens reste une évidence".

Le 19 février, le sauvetage de 37 migrants bangladais par l’équipage du Geo Barents avait été rendu possible, là encore, "grâce au précieux soutien" de Pilotes Volontaires, avait affirmé l’ONG sur X.

Les avions d’associations sont aussi parfois témoins des comportements agressifs des garde-côtes libyens envers les migrants et ONG, qu’ils contribuent à documenter.

"Des jours et des jours de transit"

Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni tend à compliquer le travail des ONG qui opèrent en mer Méditerranée. Depuis la promulgation du décret Piantedosi en janvier 2023, qui régit leurs activités, les navires humanitaires dénoncent l’assignation de ports lointains, situées à plusieurs jours des zones de sauvetages. Ces décisions les obligent à passer "des jours et des jours à faire du transit entre les ports italiens et la zone de recherche", déplorait auprès d'InfoMigrants, en novembre 2023, Margot Bernard, coordinatrice de projet adjointe à bord du Geo Barents.

Dans un rapport publié début février 2024, l’association de sauvetage SOS Humanity a relevé qu’au cours de l’année passée, les navires de secours en Méditerranée ont perdu 374 jours à effectuer des longs trajets pour rejoindre des ports de débarquement italiens au lieu de rester en mer pour porter assistance aux canots en détresse. "Ce n’est pas une coïncidence, mais bien une tactique politique", assure SOS Humanity.

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Pour rappel, la route migratoire de la Méditerranée centrale est la plus meurtrière au monde. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 567 exilés sont morts ou ont disparu à cet endroit depuis le début de l’année 2024, en tentant de rejoindre les côtes européennes. Elles étaient près de 2 500 personnes l’an dernier, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2022.

 

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