“La ministre de la Justice américaine Loretta Lynch l’a dit très clairement. Au moins 3,5 milliards de dollars appartenant au peuple malaisien ont été volés”, écrit le site malaisien Malaysiakini après les déclarations de celle-ci le 20 juillet.

Les déclarations de Loretta Lynch révèlent l’amplitude de la fraude dont a été victime le fonds public 1Malaysia Development Berhad (1MDB), créé en 2009 par le Premier ministre malaisien Najib Razak. Depuis juillet 2015, The Wall Street Journal et le Sarawak Report ont publié plusieurs articles sur des détournements d’argent venant de ce fonds et qui auraient profité au Premier ministre. Des enquêtes impliquant plusieurs établissements bancaires, dont la banque d’affaires Goldman Sachs, ont été diligentées dans six pays, dont les Etats-Unis et la Suisse.

Appartements, dettes de jeu et le film ‘Le Loup de Wall Street’

Dans ce dossier, le ministère de la Justice américain a annoncé avoir lancé des poursuites au terme d’une enquête décrite comme la plus importante menée par l’unité fédérale de lutte contre la corruption et le blanchiment. La Justice américaine devrait saisir les biens acquis pour une valeur de 1 milliard de dollars. Les montants auraient été transférés aux Etats-Unis au travers de sociétés-écrans.

Riza Aziz, producteur de films et beau-fils de Najib Razak, a été désigné comme l’un des principaux bénéficiaires de cette corruption à grande échelle qui passe notamment par des intermédiaires saoudiens. Une partie de l’argent détourné lui aurait permis de financer le film Le Loup de Wall Street, mais également d’éponger des dettes de jeu dans un casino de Las Vegas. Les fonds auraient également servi à l’achat de biens immobiliers à Londres, New York, Los Angeles, ainsi que de deux toiles, l’une de Vincent Van Gogh et l’autre de Claude Monet.

Frilosité de la presse ‘officielle’

Il était 23 heures 30, mercredi 20 juillet, à Kuala Lumpur quand la ministre de la Justice a détaillé à Washington l’ampleur de la fraude. Les sites indépendants malaisiens ont immédiatement actualisé leurs pages. Mais le New Straits Times et The Star, deux titres très proches du pouvoir, n’ont évoqué cette nouvelle tournure dans l’affaire que dans la matinée du jeudi 21 juillet.

“Quelles sont les motivations du ministère de la Justice [américain] ? A-t-il agi sur la base de la désinformation alimentée par quelques blogueurs et détracteurs du gouvernement malaisien ? écrit le New Straits Times. L’argent public a été détourné, volé frauduleusement et par des actions de blanchiment. Que se passait-il durant tout ce temps au 1MDB ? Qui est responsable d’avoir laissé le vol avoir lieu ?” s’interroge pour sa part le site Malaysiakini.com.

L’anonymat mal gardé du Premier ministre

Le communiqué du ministère de la Justice des Etats-Unis évoque un “officiel malaisien numéro un”, personnalité de premier plan ayant un rôle politique et un rôle de contrôle du 1MDB. Pour The Wall Street Journal, Najib Razak se cacherait bien derrière cette formule. Mais difficile pour la justice américaine de mentionner le nom du Premier ministre malaisien, un allié du président Barack Obama.

Sur les réseaux sociaux, les internautes malaisiens ont tourné en dérision cette figure anonyme.

En janvier dernier, le ministre de la Justice malaisien, un proche du Premier ministre, disculpait Najib de toutes implications dans les détournements de fonds. Mais jeudi 21 juillet, le gouvernement malaisien a annoncé que la justice malaisienne était prête à coopérer avec l’administration américaine.

Le même jour, les autorités de Singapour ont révélé avoir saisi 163 millions d’euros d’actifs liés à ce fonds souverain.