« Le Scandale Clouzot », le magnifique portrait d’un monstre de cinéma

Le réalisateur Henri-Georges Clouzot avec Simone Signoret sur le tournage du film "Les Diaboliques" le 20 aout 1955.

Le réalisateur Henri-Georges Clouzot avec Simone Signoret sur le tournage du film "Les Diaboliques" le 20 aout 1955. © RUE DES ARCHIVES/AGIP

Un formidable documentaire sur Henri-Georges Clouzot, toujours au bord du précipice comme ses héros du « Salaire de la peur ».

C’est l’histoire d’un enfant qui faisait des cauchemars la nuit et qui, devenu adulte, a imposé les siens au monde entier. Pour une fois, le recours à une trame respectant l’ordre chronologique éclaire la vie et l’œuvre d’un artiste, en l’occurrence celles du plus grand cinéaste français. Témoin de la fin d’un couple en perdition, ses parents, le petit Clouzot écrit, à 5 ans, sa première pièce. A l’âge adulte, l’insomniaque est atteint de pleurésie et reste quatre ans alité. Si son corps survit, l’esprit d’Henri-Georges a, lui, atteint le fond du puits de la vie. Dans son journal, qui sert de fil rouge au film, il écrira : « J’ai un goût de mort dans la bouche. »

Son sublime « Corbeau » fâche tout le monde

Devenu scénariste, il crée le scandale en acceptant de travailler pendant l’Occupation pour la Continental Films, dirigée par un nazi. Déjà intransigeant, son sublime « Corbeau » fâche tout le monde : les nazis - Goebbels voulait des films légers -, les collabos, les résistants, et l’Eglise. Peu importe, son pessimisme fécond, tel que le qualifie l’écrivain Pierre Assouline, s’empare des genres et les transfigure. « L’assassin habite au 21 », et le mal, chez tout le monde, c’est ça, la leçon Clouzot. Le réalisateur met en scène des hommes et des femmes torturés, en souffrance. Et pour que cela soit crédible, il n’hésite pas à appuyer lui-même sur la plaie.

Publicité

« Il n’est pas blanc-bleu, Georges. Il est comme tous les auteurs importants, il va au fond du problème », expliquait, dès « Quai des Orfèvres », Bernard Blier. Son fils Bertrand, devenu cinéaste, est lui aussi fasciné : « C’était un dangereux. » « C’était un vampire », précise une amie tombée amoureuse de lui. Il lui répondra : « Vous êtes heureuse, vous ne m’intéressez plus. » Voilà de quel bois se chauffait ce diable qui, pour éclairer ce brasier, puisait dans l’expressionnisme allemand avant d’entrer de plain-pied dans le cinéma expérimental. Il fallait à ce doc des témoignages exceptionnels, ils le sont, ainsi que les sublimes images rescapées de « l’Enfer », son chef-d’œuvre inachevé. Tout est là, il n’y a plus qu’à revoir une filmographie en forme de chemin de croix.

Dimanche 20 octobre à 23h20 sur Arte. Documentaire de Pierre-Henri Gibert (2017). 1h00. (Disponible en replay sur Arte+7).

Sur le sujet TéléObs

Sujets associés à l'article

Annuler