Les six méthodes de PSA pour prendre le virage du numérique

Comme tous les constructeurs, le groupe français travaille sur le développement de la voiture connectée. Au-delà des technologies, c’est tout un business-model qu’il faut repenser.

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Les six méthodes de PSA pour prendre le virage du numérique

Brigitte Courtehoux n’y va pas par quatre chemins. "Le numérique est un sujet passionnant, un sujet passionné, mais il faut bien avouer que nous, constructeurs, sommes largués" assène la responsable du département Véhicules et Services Connectés chez PSA lors d’une rencontre avec des blogueurs et spécialistes de la vie digitale. Le constat s’il est sévère est réaliste.

Face à la Google Car, face aux applications qui apparaissent par centaine chaque jour sur l’App Store et aux nouveaux modèles économiques type BlaBlaCar ou Autolib, les tablettes qui équipent tous les nouveaux modèles des grands constructeurs mondiaux semblent malheureusement déjà dépassées, à peine arrivées en concession.

1. Revoir le business model

La tâche qui a été confiée à Brigitte Courtehoux il y a un peu moins d’un an par la direction de PSA est donc cruciale : faire passer le constructeur français dans l’ère numérique. Et y survivre. "Nos voitures sont connectées depuis 2003" rappelle la directrice projet du Peugeot 2008, en évoquant le bouton d’appel d’urgence qui est en service aujourd’hui sur 800 000 véhicules Peugeot et Citroën dans le monde. Demain, tous les véhicules devront être connectés, et pas seulement à un service d’urgence : aux autres véhicules, aux infrastructures et, avant tout, au smartphone de leur conducteur.

Or les constructeurs ne sont pas les seuls à vouloir établir la connexion. Google, Apple … les grands du Consumer Electronics sont déjà dans l’habitacle et entendent bien y rester. "Google c’est génial, car ça nous remue, ça nous chatouille, nous constructeurs" affirme Brigitte Courtehoux. De fait, le groupe automobile est en train de prendre un virage pour faire évoluer sa manière de développer les véhicules dans un monde industriel de plus en plus challengé par les codes du numérique.

2. S’adapter au nouvel espace-temps du numérique

Comment concilier le temps de développement long d’une voiture et celui d’une application, ou même d’un smartphone ? C’est le casse-tête numéro 1 que doit résoudre l’industrie automobile. "Il faut en moyenne cinq ans pour développer une voiture, alors que dans le numérique, le développement se compte souvent en mois" constate Brigitte Courtehoux. "Il faut avoir des protocoles de communication uniformes, clairs pour plusieurs années, pour pouvoir ensuite jouer avec le soft. La réflexion autour du protocole MQTT en est un exemple" souligne Jean-Pierre Dumoulin, expert Exploitation et Infrastructure des SI au sein du département Véhicule connecté. Si les temps ne peuvent s’aligner, il faut les rendre compatibles.

3. Accueillir tous les systèmes

C’est l’autre révolution clé : concevoir une architecture assez pérenne qui puisse accueillir de nouvelles applications, voire de nouveaux standards de communication, sans rendre le véhicule dépassé et sans avoir à le modifier physiquement. PSA a ainsi développé un boitier appelé Smart Antenna.

"Cette boite wifi dans le véhicule permet de faire le lien avec l’extérieur. Elle est compatible avec les normes existantes : la 4G, la 3G, la TNT ou le Bluetooth et pourra demain accueillir de nouvelles normes sans toucher au véhicule" précise Laurent Dizambourg, ingénieur chez PSA. Dans l’habitacle, elle peut diffuser en même temps la TNT, internet ou offrir des connexions wifi.

4. Ouvrir ses données

Une fois les architectures définies commence la bataille des données. Les développeurs et autres professionnels du numérique en ont en effet besoin pour mettre au point de nouveaux services en lien avec le véhicule. PSA organise en ce moment un concours avec une trentaine de start-up. Chacune a jusqu’à la fin de l’été pour développer des applications pour la voiture, par exemple une application pour trouver une place. PSA leur fournit alors les données nécessaires tirées des véhicules, selon leurs demandes spécifiques. "Il faut simplifier l’accès aux données pour les développeurs" expose Jean-Pierre Dumoulin.

Mais simplifier ne veut pas dire tout se permettre : la confidentialité et la sécurité sont deux valeurs intangibles selon PSA. "Mettre en open data certaines données est une possibilité, propose Brigitte Courtehoux. Mais nos clients doivent pouvoir à tout moment demander la confidentialité des données". Le débat autour des données est aujourd’hui un axe stratégique pour les constructeurs, face aux grands acteurs globaux spécialistes du traitement de données. "Nous n’avons pas envie de voir les données de nos véhicules et de nos clients vendus à des tiers par des grands du numérique" rappelle Brigitte Courtehoux. Cette injonction demande alors une nouvelle révolution de l’industrie automobile vers le service, un aspect assez éloigné des préoccupations des constructeurs.

5. Miser tout sur les services

Un véhicule est en effet un objet connecté qui récolte des données sur son fonctionnement mais aussi sur son environnement. "Nous devons être présents là où nous pouvons apporter une valeur complémentaire" explique la patronne du département véhicule connecté. PSA pourrait ainsi utiliser les données du véhicule pour prévenir le conducteur d’un passage nécessaire au garage. Le groupe pourrait aller plus loin et par exemple s’associer avec un service de météo ultra locale. Les véhicules serviraient alors de mini-station météo pour informer les conducteurs mais aussi pourquoi pas tous les utilisateurs de l’appli de météo locale ou les sociétés d’autoroutes. "PSA a lancé un challenge interne le Data Odyssey, pour demander aux collaborateurs comment utiliser les données récoltées par les véhicules" ajoute Gaël Colin, ingénieur chez PSA.

Retrouvez l'interview vidéo de Brigitte Courtehoux : "Amener dans la voiture des services type Facebook ou Via Michelin"

6. Ne plus penser automobile, mais mobilité

Toutes ces réflexions amènent un constat que PSA commence à prendre en compte. "L’évolution de la société avec le digital pousse de la vente unique de la voiture à une transformation du business-model industriel" résume Jean-Pierre Dumoulin. "Le constructeur doit demain voir le conducteur comme faisant partie d’une communauté, et pas simplement comme un client unique, coupé de son univers" ajoute Gaël Colin. L’enjeu, c’est aujourd’hui la mobilité et non plus simplement l’automobile.

Pauline Ducamp

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