Xavier Alberti

Par Xavier Alberti

Par Xavier Alberti

La France sans «gêne»

Par Xavier Alberti

 

En France, en 2015, la question de la nationalité bat son plein… En pleine crise existentielle, incapable de savoir où elle va, la France tente de se souvenir d’où elle vient, finissant par si bien se perdre qu’elle ne sait plus très bien qui elle est.

 

 

  

Décomplexés, désinhibés, politiques, chroniqueurs et intellectuels jouent aux apprentis sorciers, tentant frénétiquement tous les mélanges possibles pour accoucher de définitions toujours plus scabreuses. Samedi soir, une élue française du parlement européen, ancienne ministre de la République s’est même fendue d’une sentence aussi brutale que binaire : « La France est un pays de race blanche ». Comment a-t-on pu en arriver là ?

 

Evidemment, en se contorsionnant un peu, on pourra expliquer que derrière cette formule imbécile se cache une affirmation plus nuancée qui consiste à rappeler que la France est peuplée majoritairement d’hommes et de femmes de type caucasien. Certes, et après ? Cela devrait-il suffire à définir la France et donc par prolongement les français ?

 

Déstabilisé par ces vertigineuses traversées sur le fil distendu d’une République de funambules, j’en suis venu à me demander ce qui faisait de moi un français… 3 de mes grands parents ne l’étant pas eux-mêmes, il me faillait aller chercher ailleurs le gène patriote…

 

J’ai d’abord essayé de théoriser ma nationalité en la cherchant dans le sang, dans le sol, puis dans la loi et dans le droit, et puis la réponse est venue, simple, ancrée, limpide : je suis français parce que j’aime mon pays, sa singularité, ses extraordinaires paysages, son Histoire chaotique de la montagne inspirée jusqu’aux rivages de la mer latine, son goût du terroir, l’odeur de ses sous-bois, le vent qui souffle à travers les plaines de la voie sacrée, le Satan de Victor, le cœur simple de Gustave, l’amant de Marguerite, les imbéciles heureux de Georges, la Tour Eiffel quand chaque soir, le soleil se couche juste devant elle en rasant la Seine.

 

J’aime qu’on boive le Saint-Emilion dans un verre, le Chassagne-Montrachet dans un autre et le Champagne dans une coupe, j’aime qu’on mime la victoire avant de jouer le match et qu’on nie la défaite juste après l’avoir perdu, j’aime qu’on mette l’église au milieu du village même lorsqu’on est athée comme un cochon, j’aime que l’on crie à bas la calotte juste avant d’aller à confesse ou qu’on croit encore que la gauche est à la gauche de la droite, j’aime le foie gras mais pas que l’on gave le canard, j’aime la corrida pour le taureau plus que pour le matador, j’aime penser que je suis un vrai marin parce que Tabarly, croire que je suis un beau poète parce que Baudelaire, un grand peintre parce que David et un bon couturier parce qu’Yves Saint Laurent.

 

J’aime les histoires cousues de fil blanc de Lelouch, les répliques d’Audiard, le charisme de Gabin, l’accent de Raimu et le regard de Morgan, j’aime que Lutèce ait mérité une messe, que la Bastille ait mérité une révolution, que le Jeu de paume ait mérité un serment et qu’un roi ait mérité Guillotin, j’aime que le code civil ait eu besoin d’un empereur, que la République ait eu besoin d’un Général et que l’abolition ait eu besoin d’un avocat, j’aime enfin que la Constitution rappelle à chacun qu’être français n’est pas un état, ni même une qualité, mais une volonté et que la France accueille comme ses enfants tous ceux qui la désirent, sans distinction aucune pour peu qu’ils aiment comme moi, regarder flotter sous l’arc de Triomphe, le drapeau français au dessus d’une tombe où le soldat qui dort ne l’est peut-être pas.

 

J’aime mon pays à ce point qu’il ne me viendrait jamais à l’idée ou au cœur l’envie de ne pas vouloir le partager avec ceux qui veulent l’aimer aussi.

 

Il y a en France, des plaines du Nord aux plages de Calvi et des forêts de Vosges aux falaises d’Etretat, un refus inextinguible d’avoir peur de ceux qui le convoitent et tapis dans le massif du Vercors la force de savoir résister à ceux qui voudraient le confisquer. Ni couleur, ni religion, ni origine ne sauraient définir ce pays. Il n’existe qu’une France éternelle et elle appartient à tous ceux qui chérissent le privilège de vivre libre et la force de vivre debout.