Dominique Sopo

Par Dominique Sopo

Par Dominique Sopo

Elections en Turquie : les Kurdes garants du pluralisme et de la démocratie

Par Dominique Sopo, Président de SOS Racisme

Ce dimanche 1er novembre auront lieu en Turquie les élections législatives, provoquées par Erdogan, un président dont le pouvoir qu’il rêvait absolu a trébuché lors des dernières élections législatives de juin dernier. Incapable de voir son parti, les islamo-conservateurs de l’AKP, former un gouvernement, Erdogan a donc choisi de convoquer de nouvelles élections. A cette occasion, de nombreux Français, dont une délégation de SOS Racisme, sont en Turquie afin d’observer le bon déroulé des opérations électorales. 

 

Nous avons répondu à l’appel du HDP (Parti Démocratique des Peuples), véritable bête noire du pouvoir d’Erdogan depuis que leur score, en dépassant les 10% leur a permis d’envoyer 80 députés à l’Assemblée nationale de Turquie, privant ainsi le pouvoir sortant de toute majorité. Conséquence de cet affront fait à celui qui semble se rêver de plus en plus ouvertement en sultan, le HDP a été victime d’une terrible répression depuis plusieurs mois. Tandis que ses militants, accusés d’activités terroristes étaient arrêtés par centaines, ses meetings étaient la cible d’attentats meurtriers, dont le dernier se déroula à la face du monde lorsque des explosions tuèrent près de 100 participants à une marche pour la paix. Bien évidemment, aucun des responsables de ce différents attentats, dans la pourtant très policière Turquie d’Erdogan, n’a été à ce jour retrouvé…

 

Les élections qui se déroulent ce dimanche sont un enjeu majeur pour la Turquie. Enjeu majeur sur l’enracinement de la transparence du scrutin électoral dont on peut craindre qu’il soit entaché d’irrégularités là où l’opposition ne sera pas en mesure de porter son regard. Mais enjeu majeur également sur la possibilité de forces alternatives au pouvoir d’Erdogan de pouvoir émerger. 

 

A cet égard, il est important de rappeler ce qu’est le HDP par le contenu de son programme. Fortement enraciné parmi les populations kurdes, le HDP développe un programme laïque, social incluant toutes les composantes de la société turque, quelles que soient leurs religions ou origines. 

De ce fait, le HDP, par une approche pluraliste de la société turque – ce qu’est cette société ! – et par une vision résolument progressiste (sur les questions de féminisme, de lutte LGBT, de reconnaissance de la culture kurde,…) est un OVNI dans la vie politique turque.

 

 

 

 

Si les kémalistes se présentèrent comme des laïques déterminés, n’oublions pas qu’ils portaient en eux un nationalisme farouche ainsi qu’un autoritarisme bien peu compatible avec l’épanouissement de la démocratie. C’est d’ailleurs sans doute l’avènement électoral du HDP et la nécessité de nouer des alliances nouvelles qui les a poussé à faire évoluer leurs positions.

 

Mais, au-delà du jeu des alliances électorales qui adviendront en temps venu si une coalition parvient à mettre fin au pouvoir d’Erdogan (qui dirige la Turquie depuis 2004), l’évolution en cours en Turquie est symptomatique de l’émergence d’une société tournée vers la démocratie et l’évolution des mœurs, bien loin de la vision d’un monde musulman au mieux tourné vers le passé, au pire vers une violence ontologique.

 

Les évolutions en cours en Turquie, où les forces laïques et progressistes émergent d’une longue nuit, viennent contredire les Cassandre qui, en France et ailleurs en Europe, n’ont que la haine des musulmans comme boussole idéologique et stratégique. 

Sans compter que, n’en déplaise aux anti-musulmans compulsifs, l’alliance constituée par le HDP est un cadre qui pourrait également laisser entrevoir avec des possibilités nouvelles la cause kurde depuis si longtemps réprimée par tout les pouvoirs étatiques de la région.

 

Présentés comme un élément de désintégration, les forces kurdes – colonne vertébrale du HDP – montrent avec un éclat qui rend évidemment Erdogan furieux qu’elles sont des forces non seulement ouvertes mais surtout garantes d’une vision pluraliste, ouverte et progressiste des sociétés en Turquie et au Proche-Orient, comme elles l’ont montré avec un courage que nous ne cesserons de saluer leur résistance héroïque à l’Etat Islamique (qui est sans doute l’exécutant des attentats contre le HDP). 

 

Résistance qui ne fut pas qu’une résistance territoriale ou une simple sauvegarde de sa vie. Mais une résistance qui se fit au nom de valeurs de nature à offrir le cadre de la paix civile que cette région réclame et nécessite.